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Interview de Violaine Janeau

Violaine Janeau, autrice du roman de SF Astro-N/F

Bonjour Madame Janeau ! Nous sommes heureux de vous compter parmi les gagnants de la seconde édition des Murmures Littéraires avec le manuscrit Astro-N/F. Suivre votre parcours est un réel plaisir. Votre manuscrit vient d’être publié chez Explora Editions ! Quelle bonne nouvelle ! De nombreux lecteurs peuvent déjà lire cette fabuleuse histoire !

En guise d’introduction pour les lecteurs de l’interview, je vous propose de vous présenter : que pouvez-vous nous dire sur vous ?

Bonjour, et merci pour cet entretien ! Après des études de Lettres Modernes, j’obtiens le CAPES de Lettres Modernes en 2010. J’enseigne actuellement le français dans un collège près de Rennes. Je suis devenue autrice en 2018, avec une duologie Le Pouvoir du Temps. En 2020, j’ai publié Monseigneur Blanche dans une autre maison d’édition qui a repris en 2021 les droits de mon premier roman.

Je partage mon temps entre ma famille – j’ai trois enfants –, mon travail et mes passions: l’écriture, le théâtre, l’aquagym, la lecture… J’ai une vie bien remplie !

Sur votre compte Instagram, vous parlez de littérature classique, mais aussi de théâtre – dont vous venez d’obtenir la certification ! Pour vous, littérature et théâtre se complètent ?

Tout à fait. Selon moi, le théâtre est une façon vivante de voir la littérature puisqu’elle vit devant nos yeux, elle est incarnée par des personnes de chair et d’os, elle se matérialise. D’ailleurs, je joue souvent les scènes selon différents points de vue de personnages avant de les écrire. J’essaie d’imaginer les pensées et les réactions de tous les protagonistes face à un événement, afin que ce soit le plus juste possible.

Depuis quinze ans, je fais du théâtre d’improvisation, et ce sont deux arts très proches. L’impro, c’est de l’écriture sur l’instant, comme un premier jet. Cela peut être très bon ; plus souvent, il faudrait le retravailler pour que les répliques les plus intéressantes restent en mémoire des spectateurs. Mais ce qui sort en premier, ce sont les tripes, et forcément ça marque l’acteur/l’auteur et le spectateur/lecteur.

Quelles ont été les sources d’inspiration pour écrire Astro-N/F ?

J’ai du mal à identifier une source principale d’inspiration pour ce roman. Je me souviens vouloir écrire une dystopie. Et puis j’ai entendu une émission à la radio où le journaliste mentionnait des voyages spatiaux. J’ai eu envie de creuser ce cadre. Il me fallait un thème fort, et j’avais en tête cette idée de distinguer les êtres humains selon leur capacité à avoir ou non des enfants.

Quand je me lance dans une histoire, j’évite de regarder des films ou séries, ou de lire des livres en lien avec mon roman, sinon je compare ou je ne peux m’empêcher de m’inspirer. Si bien que c’est seulement après coup que j’ai découvert La servante écarlate, qui aborde le même thème. J’ai été marquée, adolescente, par la lecture de La nuit des temps de Barjavel, et je pense qu’elle a dû inspirer en partie Astro-N/F.

Vous avez déjà écrit et publié d’autres romans, notamment Le Pouvoir du Temps et Monseigneur Blanche. Genres différents, styles différents, thèmes différents… Vous aimez donc explorer divers horizons avec votre plume ?

Je suis fan des littératures de l’imaginaire dans leur ensemble, il me paraît naturel de les explorer dans leur intégralité. Le tome 2 d’Astro-N/F mêle d’ailleurs science-fiction et fantastique.

Ce qui lie mes romans, c’est l’approche de thèmes humanistes. D’ailleurs je crois que je ne pourrai plus écrire sans thème fort. Monseigneur Blanche traite des droits des femmes dans une société patriarcale. L’héroïne du Pouvoir du Temps cherche à gagner son indépendance. C’est mon premier roman, je crois que si je devais le réécrire j’approfondirais encore davantage cet aspect. Dans Astro-N/F, c’est le fonctionnement de la société que je passe au crible.

Revenons à Astro-N/F, dont la thématique est originale et intéressante. Ce sont les personnages qui portent les symboles et idées – voire idéologies – de cette micro-société. Avez-vous d’abord pensé aux personnages puis élaboré le système autour ? Ou bien avez-vous réfléchi en premier lieu aux mentalités et seulement après créé les personnages ?

Je suis clairement partie des personnages. Au départ je n’avais que Daphné, l’héroïne, qui voulait un enfant et qui se découvrait infertile. J’ai imaginé les réactions de ses proches, fertiles, et puis petit à petit, des « types » de personnages sont apparus : les fertiles qui veulent aider la communauté en procréant, les fertiles qui ne veulent pas d’enfant, les infertiles qui en auraient voulu, les infertiles bien contents de leur sort. J’ai inventé au fur et à mesure des personnages répondant à ces caractéristiques.

Je trouvais intéressant de questionner le fonctionnement de la société qui ne peut continuer à exister que si des enfants naissent. C’est ainsi que sont nés les N (non-fertiles) à bord pour aider les F (fertiles) à sauvegarder l’espèce humaine. Ensuite, j’ai continué à creuser, pour sortir du stéréotype hétérosexuel. Quid des couples homosexuels dans ce monde ? Selon qu’ils désirent ou non un enfant, qu’ils peuvent ou non en avoir ? Je voulais aborder tout cela et il a fallu que je fonde les règles à bord du vaisseau, celles-ci déterminées par l’extinction de l’humanité et le désordre sur Terre.

Le fait d’être Professeur de Lettres vous donne une richesse qu’il est indéniable de négliger. Quelle est la part de littérature classique dans Astro-N/F ?

J’imagine que je m’en inspire sans vraiment le réaliser. J’ai un peu l’impression qu’être auteur, c’est être une éponge qui s’imprègne de toute la culture qu’on côtoie, et qui s’extrait en un mélange plus ou moins personnel sur le papier. Je suppose que le fait que je sois fan de littérature du XIXe siècle, et en particulier de Maupassant, se ressent lorsqu’on me lit.

Avez-vous une routine d’écriture ? Un processus particulier ? En ce qui concerne Astro-N/F, avez-vous procédé de façon différente ?

Mes deux expériences passées m’ont permis de savoir comment je fonctionne et ce dont j’ai besoin pour écrire. Je commence toujours par visualiser au moins les premiers chapitres, puis je fais un plan dans lequel je note les objectifs des personnages. J’écris sur carnet le premier jet et quand je suis bien lancée je débute la réécriture sur Word. Je ne m’interdis pas de changer des éléments de l’histoire si cela correspond à l’évolution de l’intrigue.

Quand j’ai terminé, je retourne développer ce qui ne l’est pas assez : description, intrigues secondaires, scènes clés… Puis mon mari me lit et je recorrige encore ce qui ne va pas.

Quel message avez-vous souhaité faire passer dans Astro-N/F ?

Nous vivons dans une société où le fait d’avoir des enfants apparaît comme un accomplissement de la vie de couple. Or, chaque individu peut ne pas s’y retrouver, soit parce qu’il n’en veut pas (et il aura certainement l’occasion de « devoir» se justifier auprès d’amis, de la famille…), soit parce qu’il ne peut pas en avoir. Je voulais, avec ce roman, aborder le regard de la société sur l’individu et sur ses choix qui ne correspondent pas à ce qui est attendu de lui par les proches ou le système.

De plus, notre individualité peut entrer en discordance avec les besoins de la société (on l’a bien vu avec la covid). Comment choisir entre sa vie et celle de l’humanité entière ? Qu’est-ce qui compte vraiment ? Est-ce simple ? Je ne sais pas s’il y a une réponse facile à donner à ces questions, mais j’espère déjà y faire réfléchir avec Astro-N/F.

Vous venez de créer votre site internet. Quelle partie avez-vous préféré rédiger ?

J’ai une partie blog que j’ai tout juste commencé à remplir. J’y ai mis une nouvelle dans l’univers de Monseigneur Blanche, et j’avoue qu’écrire des histoires est ce que je préfère. J’ai aussi rédigé un compte rendu d’une Masterclass que j’ai faite dans un lycée. C’est un véritable plaisir de partager mes expériences d’autrice.

Avez-vous des projets liés à Astro-N/F ? Lecture d’extraits, adaptation en pièce de théâtre, musique…

Astro-N/F est une duologie. Je suis actuellement en train de rédiger un spin-off dans cet univers. Je voudrais aborder des thèmes en lien avec la fertilité : PMA, GPA…

Sinon, dès que le roman sera publié, je pense que je lirai quelques extraits sur ma page Instagram. Je n’ai jamais envisagé d’en faire une pièce de théâtre, mais c’est une très bonne idée de huis clos !

Si vous étiez un des personnages de votre roman, qui seriez-vous ?

Je serais certainement l’héroïne, Daphné ! Même si nous sommes différentes par bien des aspects, j’adore son côté « badass » et grande gueule. Elle se trouve malgré elle obligée de choisir, et elle porte des valeurs humanistes qui me sont chères.

Si l’on reprend le titre, il s’agit d’astro, qui fait référence aux planètes, étoiles, à l’espace. Puis de N et de F, les deux lettres correspondant aux Fertiles et Non-fertiles. Comment avez-vous trouvé ce titre ? Si vous deviez donner un titre alternatif, quel serait-il ?

Il faut savoir que j’ai d’ordinaire les plus grandes difficultés à trouver des titres à mes romans! Je voulais qu’il claque et qu’il permette de comprendre l’intrigue. Je me souviens que le jeu de mots m’a sauté à l’esprit alors que j’allais m’endormir. Mon mari était sceptique au départ, mais une fois qu’il avait lu le roman, il était emballé lui aussi. Le sous-titre que j’avais donné à ce tome 1 est “à bord de l’Avenir”. Je ne le trouve pas non plus extraordinaire mais au moins on a une idée de l’intrigue: les passagers sont embarqués pour sauver leur avenir à tous.

Quelle est la réplique d’un des personnages d’Astro-N/F que vous préférez ? (Et plus généralement, quelle partie avez-vous le plus aimé écrire ?)

Ce n’est pas mon passage préféré, mais j’ai tellement galéré à la trouver : « Les N ne sont pas les terrains d’entraînement des Ftériles. » Il fallait qu’elle sonne juste, qu’elle puisse être reprise à volonté, et qu’elle marque. Et puis j’ai inventé les Ftériles : des Fertiles qui ne respectent pas leur engagement car ils ne veulent pas d’enfant.

Sinon j’ai vraiment apprécié décrire les différents lieux, à la fois à bord du vaisseau, mais aussi les planètes que Daphné est condamnée à visiter.

Si l’on devait retenir trois éléments sur Astro-N/F, lesquels seraient-ils ?

Il faut retenir que c’est un roman adulte, avec une héroïne humaniste qui cherche à exister malgré les épreuves.

Le mot de la fin : un grand merci de nous avoir fait confiance pour l’interview ! Nous vous souhaitons une belle réussite dans vos projets d’écriture !

Je vous remercie à la fois pour cet entretien, mais aussi plus généralement à l’association Les Murmures Littéraires : les retours très riches du comité ont permis à cette histoire de se développer. Merci d’avoir offert cette chance à Astro-N/F et de l’avoir primé !

Propos recueillis par Heltrym
pour l’équipe des Murmures Littéraires


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