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Table ronde – Mois de l’Imaginaire 2022

À l’occasion du Mois de l’Imaginaire en 2022, nous avons organisé une table ronde avec Lily Fox, Eliane Jaulmes et Eve Mattatia, qui ont gagné les Murmures Littéraires lors de nos éditions précédentes dans les catégories Urban Fantasy, Fantastique et Science-Fiction. Le live a eu lieu sur notre serveur Discord le 25 octobre 2022.

Les débuts dans l’écriture

Pour commencer, je voudrais revenir avec vous au tout début de votre parcours littéraire et vous demander à quel âge vous avez commencé à écrire et quel a été votre premier roman.

LILY FOX : J’ai commencé à écrire vers l’âge de douze ans pour échapper à un quotidien bien triste. Je me suis enfermée dans des mondes imaginaires et quoi de mieux que l’écriture pour ça ? Mon tout premier roman s’intitule Loki (rien à voir avec Marvel) et est disponible aux éditions Sydney Laurent. Avant ça, j’ai surtout écrit sur des forums de rôle play ou juste pour moi.

ELIANE JAULMES : J’adore inventer des histoires et j’ai toujours eu envie de les écrire, mais ce n’est pas si facile d’arriver jusqu’au bout d’un tel projet. Ma toute première tentative date de mes 9-10 ans : il s’agissait de l’histoire d’un jeune garçon qui découvrait qu’il avait des pouvoirs magiques et qu’il était le prince héritier d’une autre planète à laquelle on accédait par des portails transdimensionnels. J’ai arrêté au bout de trois feuilles d’écolier et je me suis contentée d’imaginer la suite dans ma tête. J’ai repris la plume vers 16-18 ans, écrit une dizaine de chapitres, noirci des pages entières sur tout un univers, mélange du Seigneur des anneaux et de La Roue du temps, et posté le tout sur une page web. J’ai reçu quelques retours encourageants, puis les études sont passées par là, d’autres priorités, et l’ensemble a terminé dans les limbes d’internet.

Pendant mes années d’études, je faisais également beaucoup de jeux de rôle et, comme j’adorais écrire, je consignais avec soin les péripéties de nos divers groupes de héros. L’idée d’écrire un jour un livre me trottait toujours en tête. L’une de ces campagnes m’avait bien plu et j’ai tenté de la romancer. Il fallait repenser le principe de la magie, trop liée à un système de jeu, adapter les personnages, revoir le scénario. C’était moins facile que ce que j’imaginais au départ et j’ai abandonné au bout de quelques chapitres. La vie continuait : j’ai commencé à travailler, je me suis mariée, j’ai eu des enfants. Le livre a végété, oublié, sur un coin de disque dur. Je suis retombée sur ces anciennes notes début 2018. Les quelques passages rédigés m’ont paru moins mauvais que ce que je craignais. Les enfants avaient grandi. Alors, je me suis dit : et pourquoi pas aller jusqu’au bout ? L’histoire était encore bancale. Il fallait tout repenser, raccourcir, trouver une fin satisfaisante. J’ai repris la plume, mis les autres loisirs de côté pour être certaine de terminer dans un délai raisonnable et, trois mois plus tard, je mettais le point final à mon premier vrai roman : Le Crépuscule des Veilleurs.

EVE MATTATIA : À 12 ans. C’était l’anniversaire de ma sœur, donc pour que je sois pas à la maison mon père m’avait emmenæ au Palais de la Découverte. Sur le chemin du retour, je me souviens plus du tout pourquoi, mais il m’a dit : « Imagine, si les humains se mettaient à faire de la photosynthèse, on serait tout verts ». Et dans ma tête ça a fait un déclic : « Je dois absolument raconter l’histoire d’un perso qui fait de la photosynthèse et qui est tout vert ».

Le jeu des résumés

Maintenant, pour revenir sur quelque chose de plus actuel, je vous propose de passer au roman avec lequel vous avez gagné les Murmures Littéraires. Vous nous avez transmis un résumé en quelques phrases de votre roman et je vais les lire. Le public retrouvera-t-il à quel roman appartient chacun des résumés ?

Nos vies ne tiennent parfois qu’à un fil, la sienne ne tient qu’à un miroir. Lorsque Jonathan Bowen se rend se le domaine Freux afin de faire l’état des lieux de l’antique château à vendre, il ne se doute pas un seul instant qu’il n’est pas prêt d’en sortir. Sans même avoir le temps de comprendre ce qu’il lui arrive, le voilà prisonnier des limbes, le monde miroir où les âmes en peine errent sans but jusqu’à sombrer dans la folie. Mais loin d’accepter son sort, Jonathan compte bien tout tenter pour retrouver sa vie normale, dût-il chambouler le destin des âmes damnées qui lui tiennent compagnie ou encore, s’il n’y prend pas garde, mettre le monde réel en danger…

LILY FOX, LE MONDE MIROIR

Ils étaient sept. Ils avaient sauvé le Royaume. Les poètes chantaient leurs exploits aux confins du Zhōngguó, des steppes des hauts-plateaux jusqu’aux plaines baignées de rizières, des hauts pics enneigés jusqu’aux rivages d’ardoise de la mer Jaune. Ils étaient sept. Ils avaient chevauché l’azur céleste aux côtés des dragons, rallié le peuple de la forêt, vaincu l’armée des morts, instauré le règne du roi-dieu Lumière Éternelle et apporté au Qí un âge d’or sans précédent. Ils étaient les héros de la Bataille du Sorcier au Bì de Jade. Ils étaient sept. L’un a péri, un autre fut couronné, cinq sont repartis. Ils ont disparu là où s’effacent les légendes. Vingt-quatre années se sont écoulées. Une nouvelle menace grandit dans l’Ouest lointain. Un jeune roi et son ambitieux Premier ministre rêvent d’empire, mais un souverain immortel est de trop sur leur route. Et si la survie du Royaume dépendait des héros du passé ?

ELIANE JAULMES, LES CINQ SOLDATS DE BAMBOU

Namrata est un Chevalier de l’Inquisition. Il donnerait sa vie pour Suurya, la Déesse Lumière, qui a su réunir sous une seule bannière prêtres et chercheurs. Pour préserver la paix et l’ordre de Prakaasa, sa cité, il pourchasse sans relâche les Apostats, hérétiques qui en troublent sans cesse la tranquillité. Sonam est une scientifique athée. Forcée d’intégrer les laboratoires de l’Inquisition, elle fomente dans l’ombre un plan pour se venger de cette institution qui lui a tout volé : sa liberté, son indépendance et la vie de celle qui lui était la plus chère. Pour cela, elle doit rejoindre les Apostats. Eux seuls lui permettraient de reprendre ce qui lui revient de droit. Tous deux chérissaient une même personne : Chandra. Sa sœur à elle, son aimée à lui. Mais quand l’hérésie de cette jeune femme a été révélée au grand jour, l’Inquisition l’a condamnée à mort. Lui a été contraint de la conduire sur le bûcher ; elle, de balayer ses cendres. D’autres âmes perdues se joignent à ce brasier qui enflamme la cité. Hira, Kemal, Jyoti, Dorji… Ils sont esclaves, médecins, enfants, mutants. Ensemble, ils vont nourrir le vent de colère et de haine qui se lève sur Prakaasa et menace de la faire sombrer.

EVE MATTATIA, TÉNÈBRES ET SILENCE
Le jeu des dessins

Pour bien commencer, je vous propose un petit jeu. Pour présenter ce roman, vous avez deux minutes pour faire un dessin qui représente votre roman. Ensuite, vous pourrez nous expliquer pourquoi vous avez dessiné cela.

LILY FOX : C’était un château avec des oiseaux volant au-dessus. L’histoire se déroule dans un château et dans le monde miroir il y a des oiseaux qui accompagnent les psychopompes, des créatures semblables à l’idée qu’on se fait d’une faucheuse et qui sont là pour emporter les âmes piégées dans ce monde mort.

ELIANE JAULMES : Comme on peut le voir (avec un peu – beaucoup – d’imagination), j’ai dessiné un dragon chinois au milieu des bambous. Les bambous font référence aux fameux cinq soldats de bambou du titre et le dragon représente Lumière Éternelle, qui donne son nom au tome 1 de l’histoire. Ce dragon est le roi dont il est question sur la 4e de couverture : autrefois, sept héros ont affronté les maléfices d’un sorcier et de son armée d’âme perdues, ont sauvé le Royaume et ont porté Lumière Éternelle sur le trône.

Deux d’entre eux ont depuis disparu. Les cinq restants sont repartis vivre leur vie : ils sont devenus cuisinier, juge, pêcheur, courtisane ou même enseignante de philosophie. Vingt-quatre ans se sont écoulés lorsque le roi convoque les anciens héros pour leur confier une nouvelle mission. Mais ils ont vieilli, ont d’autres préoccupations et ne montrent que peu d’enthousiasme pour reprendre du service. Très vite, il apparaît que la mission recèle des zones d’ombres, que les événements se mélangent à leurs aventures passées et la question se pose de savoir jusqu’à quel point ils doivent obéir au dragon.

EVE MATTATIA : J’avoue, j’ai triché. C’est le dessin que j’avais fait sur Insta pour faire deviner le résumé quand ma ME en faisait le reveal. J’ai juste voulu représenter de manière très au pied de la lettre ce que le résumé disait.

La suite du parcours littéraire

Et maintenant, où en sont vos romans ?

LILY FOX :  Mon prochain roman Le monde miroir qui a remporté les Murmures Littéraires sortira en mai 2023, quant à mon prochain roman, je suis en train de le terminer en vue de le soumettre à la prochaine édition du concours. Ce sera en deux tomes cette fois-ci et je n’ai pas encore le titre.

ELIANE JAULMES :  Après avoir déposé mon premier roman, Le Crépuscule des Veilleurs, sur la plateforme wattpad et bénéficié des retours des premiers lecteurs, j’ai pu améliorer ce texte et chercher un éditeur. Un parcours presque aussi long et difficile que l’écriture en elle-même. Ayant entendu parlé du concours des Murmures Littéraires, je l’ai soumis à l’édition 2021, où il a terminé lauréat. J’ai eu la chance que la maison d’édition partenaire, les Éditions Onyx, soit elle aussi convaincue par ce texte et j’ai pu signer un contrat avec eux en janvier 2022. Actuellement, le roman est en cours de correction éditoriale et devrait paraître en 2023.

[NDLR : Les éditions Onyx ayant annoncé leur fermeture prochaine, la parution du roman ne se fera pas dans cette maison d’édition.]

Depuis cette première écriture, j’ai rédigé plusieurs autres romans. Mon second roman, L’Œil du dieu serpent, disponible sur la plateforme Wattpad, est toujours en quête d’une maison d’édition. Mon troisième roman, Les Cinq soldats de bambou, également lauréat des Murmures Littéraires en 2021, a été le premier de mes romans (à quelques mois près) à obtenir un contrat avec les Éditions Plume Blanche. Le travail éditorial s’est déroulé sur l’année 2022. Le livre est achevé d’imprimer et a été présenté à son premier salon en octobre cette année, mais ne paraîtra officiellement que le 4 juillet 2023.

Mon quatrième roman est un spin-off du Crépuscule des Veilleurs qui se veut indépendant. Il est lui aussi disponible sur Wattpad. Mon cinquième roman, La saga de Leif Deux-Vies, est actuellement en cours de parution sur la même plateforme. Quant au sixième et dernier, intitulé La charmeuse de pluie, j’ai achevé de l’écrire cet été et j’attends quelques mois avant une relecture à froid et de premières soumissions aux maisons d’édition.

EVE MATTATIA : Ténèbres et Silences a été signé aux éditions Destiny. La correction éditoriale et la couverture sont en cours, pour une sortie début 2023.

Un mot pour chaque roman

Est-ce que vous pourriez nous donner un mot qui représente votre roman, et pourquoi ?

LILY FOX :  Si un seul mot devait représenter Le monde miroir, ce serait « identité ». Car après tout, le héros se retrouve privé de son propre corps, de son identité, et va devoir trouver un moyen de redevenir lui-même. Mais c’est également une fois piégé dans le monde miroir qu’il va réaliser que sa vie ne lui convenait pas. C’est une sorte de quête identitaire au final. On ignore également quelle est l’identité du voleur de corps. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la vérité est inattendue.

ELIANE JAULMES :  Si je devais citer un mot pour représenter l’histoire des Cinq soldats de bambou, ce serait « autorité ». En effet, c’est un thème que j’ai voulu explorer sous diverses formes au travers des aventures qui s’y déroulent : l’autorité d’un parent face à ses enfants, d’un maître face à ses élèves, d’un général face à ses troupes, d’un roi sur ses citoyens et même d’un dieu face à ses adorateurs. Le roman explore les devoirs associés, les responsabilités conférées, ainsi que les limites de cette autorité. Au travers des péripéties, les personnages cherchent à répondre à la question : jusqu’où faut-il obéir ? Peut-on sacrifier sa propre conscience, ses valeurs, ses aspirations à une autorité supérieure ? 

EVE MATTATIA : « Non-manichéen », car j’ai vraiment voulu faire attention à ce que les deux camps en présence dans Ténèbres et Silence aient autant de points positifs que négatifs.

D’où vient l’inspiration ?

Quelles ont été vos sources d’inspiration pour ce roman ?

LILY FOX :  Je regardais un clip musical, celui de « Madame Monsieur » qui s’intitule Comme un voleur, et à un moment donné, l’un des chanteurs est assis sur une chaise avec, à ses pieds, une myriade de miroirs. Et là, dans ma tête, ça a fait Paf ! (comme avec les Chocapics). J’ai vu un château avec plein de miroirs sur les murs, des âmes piégées à l’intérieur et suite à ça, j’ai écrit la trame de mon futur roman en à peine deux heures !

ELIANE JAULMES : Pour mes romans en général, mes sources d’inspiration sont l’Histoire et les mythes de l’époque. Chaque projet est pour moi l’occasion d’explorer une tranche du passé, de découvrir une nouvelle culture et les croyances associées. Une fois ce cadre fixé, je m’inspire d’un peu tout : les événements ou anecdotes historiques, les grands personnages, les tensions politiques et économiques, les œuvres littéraires de l’époque, les points géographiques remarquables, les croyances, légendes, superstitions, modes de vie. Tout est matière pour fournir des pistes d’intrigue. Pour construire un cadre visuel, je m’inspire aussi des films qui mettent en scène la même période, des documentaires ou même de visites dans des musées.

EVE MATTATIA : Ce roman, c’est la conjonction de ce que je vivais et ce que je découvrais à ce moment-là, donc c’est assez par hasard qu’il s’est créé.

La première chose, c’était que je venais de terminer l’anime Neon-Genesis-Evangelion qui est incroyable et qui m’avait beaucoup marquæ. Et ça m’a inspiræ déjà au niveau du pessimisme, parce que j’adore ça, et aussi au niveau des thèmes, sur tout ce qui est la perception de l’autre, la construction de l’identité, de sa personnalité, ce genre de choses.

Il y a aussi le fait que à cette époque là j’écoutais (j’écoute toujours, d’ailleurs), le groupe de métal Powerwolf, qui ont dans l’univers de leurs chansons une vision assez dépravée de la religion. Ça m’a aussi beaucoup inspiræ sur cette religion, qui dans mon roman va être très bonne sur certains points, permettant beaucoup d’égalité par exemple, et à la fois très mauvaise, excluant beaucoup de gens, trop rigoriste, etc.

Et je venais d’entrer en école d’ingé, où ça a été un peu un coup de foudre pour cette science que avant je vivais un peu comme une obligation, alors que là j’entrais dans un domaine que j’adorais : ça m’a fait avoir un déclic. Avant, je ne me sentais pas légitime d’écrire de la science-fiction, je me disais : « Je vais écrire de la merde scientifiquement, je peux pas ». Et du coup, je me suis dis : « Je vais écrire seulement dans le domaine que je suis en train d’étudier, comme ça je suis sûre de pas faire n’importe quoi », et c’est comme ça que je suis arrivæ avec cette déesse lumière (j’étais dans une école spécialisée en photonique), donc toutes les technologies du roman vont découler de la photonique.

Et ça a donné ce mélange de science, de technologie et de religion. Et les trois inspirations sont tellement mélangées qu’aujourd’hui je serais plus capable de dire quel élément vient de quelle inspiration. 

Quelles sont vos sources d’inspiration pour l’écriture en général ? 

LILY FOX :  Alors là… Vaste question. Alors moi, ce qu’il faut savoir, c’est qu’à l’origine, mon histoire elle est pas toute rose tout rose. Si j’écris c’est avant tout pour échapper au monde réel, clairement. Ça, ça ne m’a jamais quittée. Mais sinon après, qu’est-ce qui me donne des idées, qu’est-ce qui fait que je vais écrire une histoire plutôt qu’une autre ? Je pense pas qu’il y ait vraiment une chose ou plusieurs, c’est vraiment un tout. Des fois, je promène mon chien et, je sais pas, je vais voir un oiseau dans le ciel, ça va m’inspirer des trucs ; ou, je sais pas, voir le vent qui agite le blé ; ou je sais pas quoi, je vais m’imaginer des scènes à la Gladiator. Ça peut vraiment être tout ou n’importe quoi. Je me promène dans la rue, je capte une conversation et pouf, il y a des connexions qui se font et je ne maîtrise rien, c’est freestyle total.

ELIANE JAULMES : De mon côté, je dirais que c’est un peu pareil. C’est vraiment difficile de dire quelles peuvent être vraiment les sources d’inspirations précises, parce qu’une fois qu’on a commencé à écrire tout peut être source d’inspiration. On peut voir un film et voir une scène particulière qui nous a fait vibrer et on aimerait retrouver cette sensation en essayant de la ré-exploiter dans un bout d’intrigue. On peut lire un bon bouquin, se rendre compte que tel personnage, on a vraiment flashé dessus, et essayer de voir quels sont les mécanismes qui ont permis cette accroche. Et c’est vraiment aussi que, dans la vie de tous les jours, on peut avoir des situations qui nous frappent et puis qui restent gravées dans un coin de la tête. Et mine de rien, même si on se dit pas « Je vais m’inspirer de ça » sur le moment, c’est quelque chose qui reste et qui va faire un pool d’idées qui vont revenir une fois qu’on est devant son ordi, prêt à écrire. Donc c’est vraiment un processus qui est constant je dirais. 

EVE MATTATIA : Pareil, j’ai mon pool d’idées, pool de choses que j’ai vues et que j’ai envie de travailler. Mais ce qui m’inspire le plus et qui me donne vraiment le plus envie d’écrire, c’est mes coups de cœur, que ce soit sur des livres, des films, des musiques. Quand vraiment j’ai crushé sur une histoire, sur une ambiance, et que je suis restæ dans cette histoire, dans cette ambiance, je veux la poursuivre dans mes écrits. Sans plagier bien sûr. Mais par exemple, s’il y a une musique que j’aime bien qui a une ambiance d’hiver, je vais avoir envie d’écrire sur cette ambiance. Je pense que c’est vraiment ça qui me donne la flamme pour écrire

Les méthodes d’écriture

Dans quelles conditions préférez-vous écrire ?

LILY FOX : Je sais qu’il y a des gens qui arrivent à écrire n’importe où, dans n’importe quelles conditions, à la terrasse d’un café, dans le train… Moi, c’est mort. Il me faut ma bulle, il me faut mon bureau, mon pc, et personne qui rentre dans la pièce, sinon c’est mort, ça me sort de mon univers. Par contre, une fois que je suis dedans, je peux passer la journée à littéralement ne pas voir le temps passer. Ça m’est déjà arrivé de me dire : « Tiens j’ai faim, si j’allais manger, il doit être midi ! » et t puis je regarde l’heure, et il est quatre heures de l’après-midi, et je fais : « AH. D’accord. Ok… ». Et ça c’est quelque chose que je peux pas faire ailleurs que vraiment dans mon bureau, dans mon petit monde à moi, quoi.

ELIANE JAULMES : Je dirais que c’est un peu pareil pour moi, en fait. J’ai un peu mes habitudes quand je me mets à écrire. Donc j’ai le fauteuil dans lequel je pose mes fesses, je préfère largement quand il y a bien le silence autour de moi… Je sais qu’il y a des gens qui écrivent en musique, sur leur chanson favorite, mais je n’ai jamais réussi à faire ça. Faut vraiment que je puisse me mettre dans ma bulle, que je puisse replonger dans mon monde, me mettre dans la peau des personnages. Donc j’ai remarqué que, pour ça; il n’y a rien de mieux que le calme, pour réussir à vraiment me plonger dans l’histoire.

Par contre, ce que j’ai remarqué : pour le coup, les inspirations de scènes, ou les bouts de dialogues et des choses comme ça qui sont plus fugitives et qui ne sont pas de l’écriture en elle-même, ça me vient plutôt à des moments où je suis occupée à autre chose… Par exemple, je fais beaucoup de trajets à vélo. Quand je pédale, je me rends compte que finalement ça me libère aussi les idées… Ou bien quand je vais faire du footing dans le parc à côté de chez moi, aussi, ça m’aide parfois à libérer des idées et à avoir des scènes, des bouts de scènes ou des bouts de dialogues qui me viennent… Mais pour l’écriture en elle-même, c’est vraiment à un seul endroit, je n’arrive pas à écrire en dehors de chez moi et quand y’a trop de bruit autour.

EVE MATTATIA : Le plus souvent quand j’écris, c’est pendant les trajets, mais j’ai besoin d’être sûr que personne va regarder par dessus mon épaule. Rationnellement, je sais que les gens autour de moi, dans le train, n’en n’ont rien à faire, mais je veux vraiment être sûr qu’on puisse pas zieuter. Et aussi, j’aime pas trop écrire sur portable, parce que l’écran est assez petit, du coup j’ai un peu l’impression que ça me restreint mes idées et d’être enfermæ dans ce petit écran, mais en dehors de ces deux limites, je peux écrire un peu n’importe où, n’importe comment… Bon, chez moi, à mon bureau, avec mon ordinateur, c’est sûr que c’est plus confortable, mais par exemple sur une feuille de papier, en cours ou pendant une conférence, j’ai pas de soucis aussi, parce que plutôt que perdre mon temps à écouter un truc qui m’intéresse pas, autant écrire !

Parfois, certains auteurs ressentent ce qu’on appelle le syndrome de la page blanche, qui est un blocage qui empêche d’écrire pendant x temps. Est-ce que ça vous arrive ? Quand ? Que faites vous pour réussir à vous débloquer ?

LILY FOX :  En ce qui me concerne, oui ça m’arrive, malheureusement, comme tous les auteurs je pense, c’est une catastrophe d’ailleurs. Moi ça m’arrive souvent  : la plupart du temps en début de chapitre, quand je conclus un chapitre qui ne se poursuit pas sur le suivant et que je passe à autre chose, soit un point de vue différent, soit on enchaîne sur un truc avec une grosse ellipse. Là, la plupart du temps, j’ai un blocage qui est horrible… Mais des fois, ça m’arrive aussi en plein milieu d’un chapitre. Par exemple dans un dialogue, dans une scène d’action ou quoi, et je sais pas pourquoi, il y a des moments où c’est hyper fluide et puis paf, sans aucune raison, je suis là en mode : « Bon… Comment j’enchaîne ? », et c’est horrible, mais vraiment horrible. Et comment je débloque ça ? Bah j’attends, j’attends que ça se débloque tout seul, j’arrête d’écrire, je vais faire autre chose, je me change les idées, je vais promener mon chien… Ça peut durer une journée comme ça peut durer un mois, deux mois, voire plus, c’est très énervant.

ELIANE JAULMES : Moi le syndrome pur de la page blanche, où je suis assise devant mon ordinateur sans savoir ce que je dois écrire derrière, ça m’arrive rarement. Mais en fait ça ne m’arrive pas beaucoup parce que généralement, je me base sur un synopsis qui est assez détaillé et qui fait que je sais toujours là où je veux emmener l’histoire et ce qu’il est censé se passer… Alors après, ça peut être plus ou moins facile à écrire, j’avoue qu’il y a des fois où je peux mettre une demi-heure à écrire juste un paragraphe parce que je n’arrive pas à sortir la description que je veux, ou parce que je tourne autour du dialogue parce qu’il sonne pas bien et je le réécris quinze fois, mais ce n’est pas vraiment un blocage complet. Je veux dire, je sais ce que je veux écrire, juste j’arrive pas à le mettre en forme. Après ce qu’il peut m’arriver, au moment où je construis l’histoire, c’est de me retrouver, effectivement, à me poser des questions sur ce qu’il va se passer à tel moment, et tout ça. Mais dans ce cas-là, je ne suis pas vraiment encore devant mon ordinateur en train d’écrire, et donc c’est plus des réflexions qui se font sur du long terme. Et quand je suis coincée, ce que je fais, c’est que je réfléchis sur un autre bout de l’histoire, autre que celui sur lequel je suis coincée, où je n’arrive pas à trouver de solution. Et en fait, progressivement, en avançant sur d’autres choses, des fois ça peut me donner des idées de déblocage, et comme ça, j’arrive à progresser sans jamais trop, enfin en tout cas jusqu’à présent (je touche du bois) sans jamais trop être restée coincée trop longtemps sur un roman ou sur un bout de scène.

EVE MATTATIA : Comme toi, j’ai aussi un plan assez détaillé, ce qui fait qu’en général je sais où je vais, je sais ce que je vais écrire ensuite… Mais j’ai des gros blocages au moment de débuter une situation d’écriture, et là c’est plutôt comme Lily, je ne sais pas gérer ça, je fais l’autruche, personnellement. Et ça peut durer des semaines, qui donnent des trucs pas très fun comme un texte en cours, souvent des nouvelles, que je vais laisser tomber car je n’y ai pas touché pendant plusieurs semaines parce que j’ai pas réussi à surmonter ce blocage de début de situation d’écriture… Et du coup, la nouvelle passe à la trappe, parce que la deadline est passée.

Pour rester sur vos méthodes d’écriture, vous savez peut-être qu’on considère parfois qu’il existe deux types d’auteurs. Il y a les auteurs plutôt jardiniers, qui laissent pousser leur texte sans vraiment le guider. Et il y a les auteurs architectes qui commencent la création de leur texte avec des plans. Vous, vous êtes plutôt jardinier, architecte, un peu les deux ? Pourquoi ?

LILY FOX :  Alors ça dépend, en vrai. Quand j’ai commencé à écrire, dans mon adolescence, c’était du grand n’importe quoi. J’écrivais ce que j’avais en tête sans savoir où j’allais, et ça m’a jamais menée bien loin. Mais quand je me suis mise à l’écriture de mon premier roman, je savais comment il allait se terminer avant même d’avoir écrit les premières lignes. J’avais vraiment fait toute la trame un petit peu comme un squelette, et je me rends compte que je ne peux pas fonctionner autrement. J’ai besoin de savoir où je vais. Même si je me permets, pendant l’écriture, de prendre des chemins de traverse, de faire des choses qui étaient pas prévues, je retombe toujours sur mon squelette… Sinon là, le syndrome de la page blanche, pour le coup, il serait souvent, beaucoup plus souvent là si je faisais pas ça. Et puis même, pour structurer mes pensées et vraiment savoir comment je vais faire évoluer mes personnages… Je peux tout à fait concevoir qu’il y ait des auteurs qui parviennent tout à fait à improviser des choses et à rester cohérents, mais moi clairement, je ne sais pas faire ça du tout.

ELIANE JAULMES : Je pense que de l’apparence extérieure, je dois ressembler à une architecte, parce que je me base sur des synopsis qui sont quand même assez détaillés… En fait, je considère que pour qu’une intrigue tienne à peu près la route, il faut qu’elle soit assez construite, c’est-à-dire que les scènes qui vont apparaître dans le roman doivent apporter quelque chose à ce qu’on essaye de construire, qu’il y ait à peu près des indices disposés raisonnablement tout au long de l’histoire, et à la fin on doit à peu près réussir à nouer tous les fils qu’on a ouverts, toutes les trames qu’on a ouvertes et laissées en suspens. Donc pour ce côté là, je dirais que c’est complètement un travail d’architecte. Par contre, j’ai remarqué que j’avais beaucoup de mal à construire mes personnages de la même manière… Pour arriver à faire vivre mes personnages, en fait, j’ai besoin de les regarder évoluer sous ma plume, j’ai besoin de les entendre parler au travers de ce que j’écris, des dialogues que je mets en place, j’ai besoin de les faire vivre un peu dans ma bulle, justement, pour savoir comment ils réagissent, comment ils vont se comporter dans telle ou telle situation… Et dans mes premiers romans, en fait le problème c’est que ça collait pas forcément au synopsis que j’avais prévu, on ne va pas se mentir, parce que voilà, il y avait le raisonnement intellectuel d’un côté, et puis les personnages qui voulaient aller dans une direction complètement différente de l’autre. Je me retrouvais à dérailler de mon synopsis, disons, et à devoir lutter à la fin pour essayer de renouer les nouvelles directions que j’avais prises.

Donc ce que j’ai trouvé comme solution, et qui a l’air de me convenir à peu près actuellement (c’est ce que j’ai fait pour les derniers romans que j’ai écrit, en fait) c’est d’enchaîner plusieurs phases de jardinage et d’architecture en diverses étapes. Je commence par me fixer à peu près un cadre générique de l’histoire que je veux raconter. Typiquement, comme j’aime bien me placer dans un cadre historique, fantastique, je définis quels mythes je veux aborder, à quel endroit, quelle époque, le thème général que je veux essayer d’aborder, et puis après, comme je disais, je fais pas mal de recherches. Donc là, je suis plutôt en mode jardinage, finalement. Je vais lire plein de trucs divers et variés, regarder des films, et puis noter un peu toutes les sources d’inspiration que je peux avoir, donc là ça part vraiment complètement dans tous les sens. Après, une fois que j’ai un jardin bien rempli, disons, c’est un peu la jungle, donc là j’essaye de construire vraiment quelque chose de cohérent à partir de toutes mes idées qui sont parties dans tous les sens, j’arrive à peu près à un premier synopsis… C’est là le moment où généralement, je me rends compte que pour faire quelque chose de bien, il faut maintenant que je fasse vivre un peu mes personnages. Et donc commencer à rédiger directement (c’est ce que je faisais au départ), eh bah en fait, ça ne fonctionnait pas bien. Donc maintenant, je fais comme si j’allais commencer à rédiger, je me mets devant mon ordinateur, sauf que je me contente de faire vivre ma bulle, de faire vivre mes personnages, et je note les bouts de scènes qui me passent par la tête. C’est-à-dire qu’en fait je me concentre pas du tout sur le texte, je me concentre sur les images et sur l’enchaînement des actions. Et une fois que j’ai fait ça, j’ai une sorte de pseudo premier jet, on peut dire ça un peu comme ça, mais c’est pas vraiment rédigé, c’est vraiment des bouts d’idées qui sont partis dans tous les sens, qui ont encore besoin de travail. Et c’est à partir de ce premier jet un peu brouillon que je fais vraiment le travail de rédaction, qui est du coup purement mettre des mots un peu choisis sur tous ces bouts de scènes les unes après les autres.

Voilà, du coup je sais pas si je suis censé être un architecte jardinier, ou un jardinier architecte, ou un gros mélange de tout ça.

EVE MATTATIA : Moi, je suis 100% architecte assumæ. J’ai commencé, à douze ans, mon premier roman, en étant complètement jardinier, parce que en même temps au collège on nous apprenait l’artiste maudit éclairé par sa muse, qui écrit au fil de la plume et tout, donc j’étais persuadæ que c’était comme ça qu’on faisait, donc j’écrivais au fil de ma plume sans réfléchir à rien, et je savais pas toujours ce qu’il allait se passer à la phrase d’après. Ensuite, ça a été ma première phase de correction qui est arrivée, et je me suis rendu compte que je n’aimais pas ça, mais alors pas du tout. Que je déteste changer des trames, que je déteste enlever, rajouter des scènes, de devoir rechercher les bouts de moitiés d’incohérences que j’ai laissés traîner à cent pages d’intervalles. Ça m’arrache les cheveux, donc je déteste ça.

Et en grandissant, en découvrant plus de manières de faire, j’ai découvert qu’on pouvait planifier, et que le document préparatoire de quarante-cinq pages, c’était complètement mon kiff. Par exemple, là je suis sur la planification d’un projet, j’ai fait des recherches sur comment les plantes pouvaient se polliniser sans insectes : je pense qu’on s’en fiche complètement dans l’intrigue. Mais en fait, pour moi la phase de planification, c’est le moment où je vais pouvoir avoir une espèce de pelote de laine, commencer à tirer un bout, et puis tirer, tirer sur le fil. Finalement, j’ai la même exploration un peu à l’aveugle que lorsque j’écris. Mais là, je peux vraiment aller dans toutes les directions que je veux  : ça va pas porter à conséquence, enfin moins que si j’avais déjà mes quarante-cinq pages d’écrites et qu’il fallait tout réécrire page par page. Et du point de vue de l’intrigue, j’ai réussi à avoir une intrigue vraiment détaillée à la scène près. J’ai un peu l’impression d’être une espèce de mastermind, qui est avec ses pièces de puzzle et qui les place au bon endroit. Le moment où j’ai toutes mes pièces de puzzle qui tombent pile au bon endroit, avec toutes les pièces qui s’emboîtent et le tout qui est cohérent, je trouve que c’est un moment qui est vraiment très très jouissif.

Donc pour avoir testé les deux, je me définis complètement comme architecte.

Imaginaire et construction d’univers

Pour revenir un peu vers votre roman, est-ce que vous pourriez un peu nous présenter votre univers et la façon dont vous l’avez construit ?

LILY FOX :  Comme vous avez pu le comprendre, moi ce n’est pas dans le monde réel… Enfin il n’y a qu’une partie qui est dans le monde réel. Le monde-miroir, c’est vraiment le monde réel, mais à l’envers. Un peu l’upside down, mais en version mort, c’est-à-dire qu’il y a pas de vie, il n’y a pas d’herbe, les troncs sont complètement nus et squelettiques, il n’y a pas d’animaux… Il n’y a juste vraiment que les âmes de mes personnages qui sont piégées à l’intérieur, et du coup, c’est vraiment une prison.

La façon dont je l’ai construit, c’était un peu inconscient, en fait. J’en ai pris conscience qu’après coup, mais c’était vraiment un parallèle avec mon propre vécu. C’est une prison mentale, ce monde-miroir. C’est-à-dire que mon personnage se fait voler son identité, clairement. Le voleur de corps lui vole littéralement son corps, enferme son âme et se sert de son corps comme d’un véhicule. C’est vraiment une quête pour se réapproprier sa propre identité. Et à partir de là, c’est vrai que le monde miroir, c’est vraiment les coulisses du monde. C’est un endroit où on n’a pas envie de se retrouver, où on n’est rien, on n’est personne. On est tout juste un murmure à l’oreille de ceux qui vivent vraiment, quoi… Et à partir de là, j’en ai fait quelque chose de très sombre, il n’y a pas de soleil, le ciel est vraiment nuageux… Ils y voient comme en plein jour, comme ils ne sont que des âmes. En fait, ils n’ont pas de sens à proprement parler, même s’ils ont une projection de corps, comme si finalement ils étaient vraiment normaux. Mais même s’il n’y a pas de lumière, qu’ils sont dans une pièce plongée dans le noir, ils y voient comme en plein jour, il n’y a pas d’ombres. Et ça, ça m’est vraiment venu du genre de cauchemars que je vais faire, où par exemple je vais être dehors, sur une plaine un peu orageuse, où il y a des nuages gris dans le ciel, mais où j’y vois clair quand même, comme s’il y avait un soleil radieux. C’est très étrange comme mélange. J’aimais assez ce paradoxe, ce monde qui n’a ni queue ni tête. Et aussi, le vivant s’inscrit un peu dans ce monde, mais sous forme d’ombres, comme quoi tout est vraiment totalement inversé là-dedans.

ELIANE JAULMES : Sur Les Cinq Soldats de Bambou, en fait, il n’y a pas vraiment de construction d’univers en soi, puisque je me suis inspirée de ce qui existait, c’est-à-dire les mythes chinois, et puis d’une époque historique existante, qui est juste quelques années avec l’unification de la Chine (au moment où la Chine est encore constituée de royaumes distincts qui se mènent la guerre, même s’ils sont issus d’une même culture), parce que je trouvais que ça faisait un beau chaudron, avec des bonnes idées d’intrigues à partir de ça. En fait, tout ce que je fais pour construire mon univers de fantasy, tout simplement, c’est donner vie aux différentes légendes qui pouvaient exister à l’époque, c’est-à-dire les mythes tels que pouvaient se les raconter les gens qui habitaient en Chine à cette époque-là. C’était quelque chose qui avait complètement du sens pour eux. Donc dans mon histoire, tout simplement, j’imagine que ces choses-là existent pour de vrai, qu’il y a des dieux, qu’il y a des esprits, qu’il existe des dragons qui se montrent plus ou moins aux humains, qu’il existe des esprits renards qui peuvent se montrer plus ou moins pacifiques, que les âmes des morts voyagent jusqu’aux cours souterraines qui sont régies par le roi Yanluo avec ses démons, et ainsi de suite. Donc finalement, j’ai assez peu de travail de construction, disons, mais plutôt d’appropriation de la diversité des mythes et légendes qui existent déjà, et qui sont source d’inspiration pour plein d’aventures, finalement.

EVE MATTATIA : De mon côté, on est dans un univers dans un futur très très très lointain. C’est la même Terre, mais comme ça va se compter en millénaires ou dizaines de millénaires, on ne voit plus trop le lien entre notre Terre et l’univers de mon roman. Je me concentre sur une cité en particulier, qui s’est reconstruite dans un monde complètement mystique, parce que j’imagine que le nôtre s’est terminé avec une catastrophe écologique, guerre nucléaire, déchets chimiques… Enfin bref, que l’extérieur est ultra hostile. Eux, ils se sont retranchés dans une cité, et je me suis intéressæ à comment cette cité en particulier aurait pu se reconstruire en une société complètement différente. Donc eux, ils ont une théocratie qui vénère la déesse Lumière, et la particularité de cette théocratie, en fait, c’est que les prêtres et les chercheurs, c’est les mêmes personnes. Un chercheur, s’il fait une découverte, c’est parce que la déesse l’a inspiré, lui a révélé un point des mystères de l’univers. Utiliser le summum de la technologie et de faire des découvertes toujours plus incroyables, c’est une manière de rendre hommage à cette déesse.

Ce que j’ai voulu vraiment creuser dans cet univers, pour me différencier un peu des autres dystopies de science-fiction, c’est que les deux camps en opposition, donc l’inquisition religieuse et les apostats de l’autre côté, que chacun des deux camps ait un certain nombre de points très très positifs, et de points plus négatifs, qu’on ne puisse pas se dire « Ah oui, c’est eux les gentils, c’est eux les méchants ». Donc la religion, par ses recherches technologiques, se débrouille pour avoir de quoi mettre sur un pied d’égalité tout le monde, par exemple toutes les personnes qui souffrent de handicaps physiques, mentaux, ils ont la technologie pour que tout le monde ait le même niveau de vie. Par exemple, on est dans un monde où la langue des signes, c’est une langue officielle connue par tout le monde. Mais, à l’inverse, à cause de leur passé, ils ont une règle : on ne peut pas ouvrir en deux un être humain. Donc par exemple, pour se faire opérer, je ne sais pas, d’une balle dans le genou, bah on ne peut pas parce que pour ça, il faudrait ouvrir le genou. Donc ils vont aller traquer tous les gens qui ne correspondent pas très exactement à leurs dogmes et ça ne les gêne pas trop de les laisser pourrir au bord de la ville sans qu’ils aient des conditions de vie décentes. Et à l’inverse, les apostats, qui sont pour une science athée, pour que tout le monde puisse avoir accès à la recherche sans avoir besoin d’être ultra religieux et pour la réhabilitation de tous les prétendus hérétiques, ce sont en même temps des gens qui sont très extrémistes dans leurs idéologies, qui ne sont pas très ouverts d’esprit non plus, qui sont un petit peu sexistes quand même sur les bords… Ça m’a vraiment tenu à cœur d’avoir cette balance dans les deux camps.

Le jeu des mots croisés

Nous avons prévu, en compagnie des auteurs, des petits mots croisés, utilisant chacun une dizaine de mots venant du roman. Je vous les envoie dès maintenant dans le salon dédié. Vous pouvez les remplir dès maintenant et, pendant ce temps, je propose que les auteurs nous expliquent pourquoi ils ont choisi ces mots pour représenter leurs romans. 

Grille du Monde miroir
  • Miroir, château, âme, prison, faucheur, brisé, identité, immortalité, folie, pensée

LILY FOX : C’est le monde miroir, donc forcément, il y a le mot miroir hein, je n’ai pas été chercher très loin celui-là. L’action se passe majoritairement dans un château, bon bah voilà : château. Les âmes se retrouvent piégées, donc on a le mot âme, on a le mot prison, forcément. Je crois que j’en avais parlé un petit peu plus tôt, aussi, il y a des faucheurs, qui s’occupent de nettoyer un peu le monde miroir parce que les âmes ne sont pas censées être là, mais pas du tout. C’est vraiment des créatures terrifiantes, qu’on n’a pas du tout envie de croiser même dans ses cauchemars. Donc voilà, le mot faucheur. Ensuite, brisé, parce qu’il s’avère que, petit détail amusant (enfin amusant, je me comprends) c’est-à-dire que pour se retrouver dans le monde miroir, les âmes sont rattachées physiquement, donc dans le monde réel, à un miroir, sachant que tout ce qui arrive à leur miroir leur arrive également à eux. Je vous laisse deviner ce qu’il se passe si leur miroir se retrouve malencontreusement brisé. Voilà, ensuite on a le mot identité, parce que comme je le disais un peu plus tôt, c’est vraiment une sorte de quête à la recherche de son identité dérobée, en fin de compte. Immortalité, parce que le voleur de corps, la raison pour laquelle il change encore et encore de véhicule (on va appeler ça comme ça), c’est pour échapper à la mort. Folie, parce que quand vous passez des centaines et des centaines et des centaines d’années piégés dans un monde où vous pouvez pas manger, pas boire, pas dormir, où vous ne ressentez pas la fatigue, ni la faim, d’ailleurs, vous ressentez juste rien, et où vous êtes soumis en permanence à vos émotions exacerbées, autant dire que la folie elle est jamais très très loin. D’ailleurs, ça ne va pas être très simple pour notre pauvre personnage principal qui se retrouve confronté à des scènes parfois un peu loufoques à cause de ça. Et pensée parce que certaines des âmes qui sont piégées dans le monde miroir ont la chance de pouvoir matérialiser leurs pensées. Par exemple vous pensez à un petit papillon plein de couleurs et tout, et puis pouf il apparaît devant vous. Du coup le personnage principal possède ce don, mais d’une manière un peu particulière, pour ne pas dire unique, Je n’en dis pas plus parce que après voilà, ça spoile, c’est pas drôle.

Grille des Cinq soldats de bambou
  • Chine, dragon, philosophe, courtisane, phénix, juge, pêcheur, cuisinier, Linzi, sorcier, Mille ruses

ELIANE JAULMES : Déjà, il y a Chine parce que forcément, c’est le cadre des Cinq Soldats de Bambou, ça se passe en Chine. Le royaume dans lequel se déroule l’histoire est dirigé par un roi qui est en fait un dragon déguisé en humain, et puis il va réunir autour de lui ses cinq dieux héros qui vont essayer de l’aider contre la menace qu’il perçoit, et donc bah j’ai fait apparaître les cinq métiers de ces héros. Donc il y a la philosophe, la courtisane, le juge, le pêcheur et le cuisinier, et ces cinq héros vont essayer de résoudre le problème qui leur est posé. Linzi, c’est la capitale du royaume, donc au départ, en fait, c’est là que se passe le début de l’intrigue, même si après les héros vont visiter un peu tout le royaume et partir à droite à gauche, par monts et par vaux. Ensuite, sorcier, parce que autrefois, vingt-quatre ans plus tôt, au moment où ils ont sauvé une première fois le royaume, ils ont lutté contre un sorcier étranger qui avait le pouvoir de réveiller les morts et de les animer et de les faire agir à sa guise. Donc ils ont lutté contre le pouvoir maléfique de ce sorcier et ramené la paix sur les esprits des morts. Ils étaient aidé, à ce moment-là, par deux des héros disparus, et l’un d’entre eux s’appelait Mille ruses, qui est aussi l’une des personnes dont on apprend les aventures en lisant l’histoire, parce qu’il a rédigé une partie de ce qu’il s’est passé autrefois. Et donc le récit, finalement, raconte à la fois ce qu’il se passe dans le « présent », entre guillemets, donc les aventures des cinq soldats de bambou, et c’est entrecoupé par le récit de Mille ruses de ce qu’il s’est passé autrefois. Le lecteur découvre petit à petit quelles sont les premières aventures des héros, qu’est-ce qu’ils ont vécu, comment ils se sont mis ensemble au départ, et comment tout s’est conclu la première fois, en même temps qu’ils essaient de dénouer leurs problèmes dans le présent.

Grille de Ténèbres et Silence
  • ténèbre, silence, sœur, colère, religion, mutant, apostats, chevalier, scientifique, lumière

EVE MATTATIA : Ténèbre, silence, c’est parce que c’est le titre… De toute façon, mon titre, je ne l’ai pas choisi au hasard. Les ténèbres, ça va être l’inquisition qui va dire aux apostats « Nous, on est la lumière et la foi, la connaissance, alors que vous vous êtes que les ténèbres de l’ignorance et de l’hérésie », et à côté de ça, les apostats, pour répondre à l’inquisition « Et vous, vous murez dans le silence tous les gens qui souffrent et que vous refusez d’aider ». Sœur, c’est pour ma protagoniste, dont la sœur est exécutée en début de roman, et qui mène au mot suivant, colère, qui va être le driver de la protagoniste pendant un bon moment. Religion, parce qu’on est dans une théocratie, donc c’est un peu omniprésent. Mutant parce qu’on en a, en fait, dans cette histoire. Alors c’est pas du tout les zombies classiques, les mutants. Comme je l’ai dit tout à l’heure, la religion interdit qu’on ouvre en deux un être humain, sauf qu’il des fois quand même où il y en a vraiment besoin, donc les mutants, à la base c’est des humains qui ont voulu subir une opération interdite, et donc faite par les apostats, un peu en douce, ça coûte cher et on risque de se faire prendre, etc. Et les conditions dans lesquelles ces opérations illégales sont faites font que, des fois, ils peuvent attraper des parasites, des virus. Du coup, ils mutent et ça se voit qu’ils ont fait une opération interdite, donc ils quittent la société dont ils ont enfreint les lois de manière un peu trop visible. Ensuite, les apostats sont ceux qui se dressent contre la religion d’État, les chevaliers de l’Inquisition, à l’inverse, sont ceux qui vont la faire respecter. Scientifique, comme ma protagoniste qui voudrait l’être sans avoir à être croyante. Et enfin la lumière, parce que c’est une religion qui vénère la déesse Lumière.

La participation au concours des ML

Par rapport aux Murmures Littéraires, nous nous demandions, puisque vous avez tous reçu des fiches, si vous pouviez nous dire ce qu’elles vous ont apporté ? D’ailleurs, comment avez-vous découvert les Murmures Littéraires, et pourquoi avez-vous décidé de participer ? 

LILY FOX :  Alors déjà, comment j’ai connu les Murmures Littéraires, euh je ne sais plus du tout, ma mémoire c’est une passoire, clairement il y a des trucs qui restent et des trucs qui partent, et bloupbloupbloup c’est parti. Donc ça je sais plus, probablement sur Facebook ou un réseau social dans le même genre, mais sinon je ne peux rien garantir. Pourquoi j’ai participé ? Parce que clairement qui ne tente rien n’a rien, hein. Disons que j’avais tout à gagner, rien à perdre, et j’en avais marre de subir refus sur refus de la part des maisons d’éditions, c’était horrible pour le moral. Vraiment, je sais que des fois c’est pas parce que notre roman est nul, c’est juste que soit ça ne s’inscrit pas dans la ligne éditoriale, ou ce n’est pas le bon moment, qu’ils n’ont pas de place à ce moment là pour ce genre là, sauf que pas de bol, parce que ça reste un refus quoi. Et du coup, qu’est-ce qu’elles m’ont apporté les fiches  ? Clairement, beaucoup de confiance en moi, parce que c’est vrai que les compliments, c’est quelque chose dont je ne sais pas forcément quoi en faire quand j’en reçois, parce que je n’ai pas trop l’habitude, et là c’est vrai que c’était très constructif, bien détaillé, bien développé, ça s’appuie sur des points pertinents, et c’était toujours dans la bienveillance quand y’avait des critiques négatives. C’était toujours par exemple « Les personnages, les dialogues, etc, l’identité du personnage par rapport à ses lignes de textes, plutôt comme ci, plutôt comme ça », il n’y avait vraiment pas de « Ça c’est nul », non. Les fiches c’était vraiment un point plus plus plus de ce concours, et je pense que même ceux qui n’ont pas pu remporter, malheureusement, une place sur le podium, ont pu bien en apprendre. Oui, c’était vraiment génial, ces fiches.

ELIANE JAULMES : De mon côté, j’ai découvert les Murmures Littéraires début 2021 je pense, enfin en tout cas c’était pour l’édition 2021. On devait être à trois ou quatre jours de la deadline de soumission, et c’est dans une discussion sur Wattpad que quelqu’un qui se reconnaîtra sans doute m’a dit « Ah bah tiens, y’a ce concours là, puisque tu cherches à éditer tes livres, tu devrais essayer de soumettre quelque chose ». Donc clairement, puisqu’il n’y avait pas beaucoup de temps et qu’il fallait envoyer un synopsis, je pouvais pas envoyer n’importe quoi. Donc j’ai regardé dans les romans que j’avais écrit ce qui était envoyable en l’état, et avec un synopsis à peu près propre. Donc j’ai envoyé deux romans à cette édition-là, Le Crépuscule des Veilleurs et Les Cinq Soldats de Bambou. Je me suis dit que comme je savais pas forcément ce que ça allait donner, je tenterais ma chance avec ce qui était prêt, et que je verrais bien le résultat. Je n’avais pas grand chose à perdre non plus, comme on peut s’en douter. Ensuite, j’ai eu de la chance parce que mes deux romans ont plutôt bien plu, donc j’ai découvert les fiches qui ont été rédigées par les juges. C’était vraiment très intéressant, parce qu’on sentait que c’était un avis de lecteur sur le roman, qui était, par rapport aux échanges que je pouvais avoir eu sur Wattpad, vraiment centré uniquement sur le texte, et qui cherchaient pas forcément juste à ne citer que les points positifs pour cacher le négatif sous le tapis. Il y avait forcément un peu des deux, il y avait des compliments, qui m’ont fait très plaisir, et puis y’avait aussi quelques points qui étaient soulevé, certains dont j’avais conscience, parce que à force de voir, de relire son roman, on se rend compte un peu de ses faiblesses et de ses défauts, et puis il y avait d’autres choses qui étaient intéressantes aussi, parce que j’avais pas forcément vu les choses sous cet angle-là, et puis c’est toujours intéressant d’avoir le point de vue d’un œil extérieur, d’un lecteur sur le texte qu’on a écrit, ça permet de se remettre un peu en perspective, de se poser d’autres questions. Et donc pour ça, c’est vraiment super, la possibilité d’avoir des fiches si détaillées sur le roman entier, puisque quand on a passé la première étape, on a le droit à la fiche sur le roman entier. C’est-à-dire qu’il y a une vision globale sur l’intrigue qui permet de se rendre compte des différents problèmes, de ce sur quoi il faut qu’on se concentre sur la suite, et voilà, j’ai trouvé ça très instructif.

EVE MATTATIA : Ça va être une question un peu fun pour moi, parce que d’habitude, sur le questionnaire de fin d’année, on la pose en tant que juge. Donc là c’est facile : comment j’ai connu les ML  ? Parce que j’ai gagné la première édition. Mais du coup, je ne me souviens pas comment, en fin 2019, j’en ai entendu parler. Sans doute Facebook, je pense. Et pourquoi j’ai participé ? Parce que mon état d’esprit c’est que, envoyer un manuscrit, dans le pire des cas je perds, ce qui est quelque chose d’assez courant, entre tous les refus, et dans le meilleur des cas, il m’arrive des trucs chouettes. Donc je n’ai rien à perdre à tenter, c’est pour ça que j’ai tenté. J’avais participé avec deux romans, donc le deuxième n’est pas allé jusqu’au bout, ce qui est pas étonnant vu qu’il était plus ancien, donc moins mature. J’ai été assez agréablement surpris·e par les fiches, par le fait qu’elles donnent des conseils précis, et pas juste « Ouais non, j’aime pas trop tes personnages ». Là c’est plus « Oui, telle réaction là, elle est pas crédible avec le reste de la personnalité », ce qui est quelque chose de concret, qui permet de s’améliorer plus que juste « Ouais non, mais tes persos ils sont trop plats ». Et c’est le fait d’avoir des fiches aussi aidantes qui m’a donné envie de poursuivre avec le concours, pas en tant que participant, mais en rejoignant le jury. Ça m’a permis des expériences assez chouettes, comme bah me faire vraiment lire les livres d’Eliane et de Lily en avant-première, comme c’est des très chouettes livres que je ne regrette pas du tout. Et c’est comme ça que de participant qui découvre ça un peu au coin de Facebook que je termine en rouge sur le Discord et que j’ai le plan secret d’envahir la coordination par des anciens gagnants, si jamais.

Extraits des romans

Pour terminer sur de belles citations, est-ce que vous pourriez tous nous lire la plus belle phrase, selon vous, de votre roman, et nous expliquer pourquoi ? 

LILY FOX :   Je dois avouer que j’ai passé une heure littéralement à écumer mon manuscrit pour trouver une phrase – enfin en vrai c’est même pas une phrase, c’est un dialogue. C’est un moment un petit peu suspendu dans le temps, où mes personnages ne sont plus dans le château, ils ont réussi à se réfugier dans un autre lieu, ils sont tous réunis autour d’une table, en mode « Ok, on fait quoi maintenant ? », et c’est vraiment un moment où ils font connaissance les uns avec les autres. Ils en arrivent à se demander : « Toi, qu’est-ce qui te manque le plus de quand t’étais vivant », parce que je rappelle qu’ils mangent pas, ils boivent pas, vraiment ils sont plus rien, quoi. Donc y’en a un qui va dire « Moi, c’est la bouffe, moi, c’est les clopes… ». Bon, notre personnage principal, il n’est pas là depuis assez longtemps pour que des choses lui manquent. Et là, on a notre petite Célestine, qui est clairement là depuis plus longtemps que n’importe qui d’autre, et elle va mettre vraiment un espèce de froid, dans le sens où les autres, tout ce qui leur manque, c’est des choses matérielles, et elle elle va juste dire :

« Le vent me manque. La caresse du vent dans mes cheveux et sur ma peau, poursuivit-elle, les feuilles qu’il emporte dans son sillage en une danse frénétique, le blé qui ondule tel des vagues impétueuses sur son passage… Le vent me manque plus que tout. Il est le souffle de ce qui vit, et sans lui, tout reste immobile, comme mort. J’aurais tant voulu pouvoir le sentir une toute dernière fois, avant de m’éteindre. »

LILY FOX, LE MONDE MIROIR

Voilà, c’est le passage que j’ai choisi. Bon et après ça, ils s’enfilent du chocolat, hein, parce que faut rester poétique, mais pas trop.

ELIANE JAULMES : Pareil, j’ai vraiment beaucoup hésité sur plein de phrases, c’est pas facile parce que y’a des phrases que j’aime beaucoup, mais forcément, y’a besoin d’un peu de contexte pour les comprendre, donc c’est pas forcément facile de se dire « Je vais extraire juste un passage, et je vais essayer de faire transparaître l’importance qu’il peut avoir ». Alors j’ai hésité entre différentes phrases, et finalement, j’ai choisi une réplique d’un des personnages, le fameux Mille Ruses dont j’ai parlé un peu avant. Donc en fait, ce personnage, on découvre tout le passé des héros au travers de sa plume, c’est lui qui raconte je dirais une petite moitié du roman, puisqu’on découvre sa vision des éléments du passé. Et c’est un personnage qui est un peu ambivalent, parce que bon, au départ, il est pas forcément super sympathique, il joue un peu cavalier seul, il est assez égoïste, il est un peu imbu de lui-même, et on apprend petit à petit à le découvrir… Il y a notamment une scène où la protagoniste principale, donc l’une des cinq soldats de bambou, discute avec lui, à un moment un peu plus tranquille, et l’interroge sur qui il est, sur ses aspirations, tout ça, et où il lui avoue les clés de son existence, pourquoi il est toujours sans cesse à chercher l’aventure, à chercher à provoquer, presque, le risque et les autres autour de lui. Et donc voilà ce qu’il lui dit :

« J’ai un pied dans les étoiles, l’autre sur le sol mortel. Mon corps appartient aux deux mondes, sans que je puisse jamais m’y sentir à ma place. Je suis maudit. »

ELIANE JAULMES, LES CINQ SOLDATS DE BAMBOU

EVE MATTATIA : Personnellement, j’ai voulu choisir l’extrait d’un chapitre supplémentaire, que mon éditrice m’a demandé il y a un mois, un mois et demi. En fait, elle voulait un flashback entre deux personnages secondaires, et ça m’a semblé être une très bonne idée. Du coup je l’ai écrit, et en fait, j’ai adoré l’écrire. Pour le contexte, c’est l’ancien chef des apostats qui, lui, vient d’une population ancienne préexistant à cette cité, et qui a acquis le pouvoir de prescience. Donc il a des réincarnations dans tout le règne végétal et animal, et il redevient un humain tous les… très longtemps. Et il parle avec son meilleur ami de toujours, qui vient de la même population, donc qui a le même don, et ensemble, ils voient bien que la guerre entre l’inquisition et les apostats, qui dure depuis des siècles, va un peu droit dans le mur, qu’aucun des deux camps ne vaut réellement le coup qu’ils se battent… Donc ce flashback, c’est le flashback qui va expliquer à son meilleur ami tout son plan, toutes ses manigances, et pourquoi il a choisi Sonam, qu’est-ce qu’il veut lui faire faire, et un peu répondre à certaines questions qui vont se poser tout au long du roman. 

Une larme coule sur ma joue alors que je comprends. Rien ne l’arrêtera. Quoi que je dise, il ne changera pas d’avis : la machine est déjà en marche. Il a déjà contacté Sonam. Il lui a déjà donné ce rendez-vous, malgré tout ce que celui-ci signifierait pour lui.

Je déglutis et pose la question qui me pèse :

— Alors, tu vas mourir bientôt ?

— Demain.

EVE MATTATIA, TÉNÈBRES ET SILENCE
Le mot de la fin

Un mot à tous les gens qui nous écoutent/ lisent ?

LILY FOX : Moi, il y un truc que j’aimerais dire aux lecteurs qui nous écoutent… Merci. Juste merci de nous lire, en fait. Parce qu’écrire, c’est chouette, et à la base, moi si j’écris, clairement c’est pour moi, mais après avoir eu des lecteurs pour la première fois, je me rends compte qu’écrire pour soi, c’est bien, mais écrire pour soi, le partager, et faire résonner des choses dans l’esprit des gens, ça n’a juste pas de prix, en fait. Et donc voilà, juste merci.

ELIANE JAULMES : Je rejoins complètement ça, parce qu’au départ, j’ai pas mal écrit pour moi, et puis après, petit à petit, j’ai eu envie de partager ce que j’écrivais, parce que j’ai fait lire autour de moi et que les gens avaient l’air de bien apprécier, et je me suis dit « Est-ce qu’ils apprécient juste parce qu’ils sont proches de moi, où est-ce qu’ils apprécient parce que l’histoire évoque peut-être quelque chose pour d’autres que moi ? » Parce qu’en tant qu’auteurs, notre histoire elle nous fait toujours vibrer, sinon si c’est pas le cas, c’est un peu triste… Mais de se rendre compte que ça peut avoir une résonance chez les autres, dans les autres lecteurs, c’est un super cadeau, c’est se rendre compte qu’on a réussi à faire passer un message, à partager quelque chose. J’ai pu découvrir ça grâce à Wattpad, et maintenant, ce premier roman va vivre son aventure avec un parc de lecteurs plus important, j’espère, et puis plein d’autres retours, plein de gens qui vont découvrir cet univers, ça c’est vraiment génial.

EVE MATTATIA : Oui. Et puis aussi, merci à vous deux et à tous les autres d’écrire, parce que c’est vous qui faites naître ces textes et ces mondes… Et en tant que fangirl qui a lu vos deux romans, j’espère avoir bientôt la version papier, dédicacée, pour pouvoir les relire dans la forme la plus aboutie.