Autrice du roman contemporain Jusqu’à s’envoler
Bonjour Tiny et merci d’avoir accepté de répondre aux questions des Murmures Littéraires. Vous avez remporté la deuxième édition du concours dans la catégorie Contemporain. Votre roman Jusqu’à s’envoler met en scène une histoire touchante où deux amis font face aux difficultés de la vie. L’un souffre d’une maladie dégénérative et le second tente de se reconstruire à la suite d’un deuil. Malgré les thématiques très sombres, vous placez l’espoir au centre du roman.
Pour commencer, pouvez-vous vous présenter vous-même et votre roman en quelques mots ?
Je m’appelle Tiny, je suis étudiante en médecine. Ce n’est pas vraiment le profil qu’on imagine le plus quand on parle de livres et de romans et pourtant, l’écriture est la bulle qui me permet de garder la tête hors de l’eau et de continuer à rêver un peu quand le temps me le permet.
J’écris depuis petite déjà, mais Jusqu’à s’envoler est mon premier roman. Il parle de maladie et de deuil. Mais pour moi, ce texte est avant tout un fragment d’adolescence, ou du moins de l’image que je m’en suis faite : des petits et des gros problèmes, des échecs et des réussites, les amis et la famille, l’amitié et l’amour. Un mélange de tout ce qui fait la complexité de cette étape de la vie.
Votre roman semble justement lié à votre intérêt pour le monde médical. En effet, l’un des deux héros est atteint de l’ataxie de Friedreich. Il s’agit d’une maladie dégénérative très peu médiatisée… Comment vous est venue l’idée d’écrire à propos d’elle, pourquoi avez-vous choisi cette maladie en particulier ?
C’est une question qu’on m’a beaucoup posée et j’avoue que je ne suis encore pas vraiment sûre de pourquoi je me suis portée sur cette maladie en particulier.
Ma mère travaille dans un foyer d’accueil médicalisé pour les personnes atteintes de handicap, peut-être que ce choix a été influencé par une des histoires qu’elle m’a racontées. Je ne sais pas trop.
Ce que je voulais vraiment, c’était écrire sur une autre dimension de la maladie. Il y a énormément de récits réels comme fictifs qui traitent de combat contre la maladie, de quête de la guérison, mais peu mettent en lumière ces nombreuses afflictions qui scellent le destin de leurs porteurs. L’ataxie de Friedreich comme de nombreuses maladies neurodégénératives, n’a pas de traitement curatif, juste des prises en charge d’accompagnement. Je voulais parler de ce combat-là. Celui qui n’apporte pas forcément de résilience, mais plutôt qui permet de continuer à vivre avec, malgré toutes les difficultés. L’histoire de Loïs n’est qu’un parcours parmi tant d’autres, mais je voulais donner un peu de visibilité à ces personnes et à leurs proches, qui luttent chaque jour et parviennent à trouver leur équilibre et leur bonheur malgré la maladie.
J’espère que j’y suis parvenue, même un peu.
On suit le quotidien de deux héros : Loïs, donc, et Eridan. Au-delà de leur amitié, quel lien est fait entre les deux ? Quel est leur fil directeur commun, qui permet d’aboutir au roman ?
Ce n’est pas une question facile !
Je pense qu’au-delà de l’amitié, des étapes de la vie qu’ils traversent ensemble, de la maladie qui les confronte tous les deux, Éridan et Loïs sont deux personnages qui ont du mal à vraiment vivre dans le présent. L’un parce que son passé prend trop de place, et l’autre parce que son futur l’empêche d’avancer paisiblement.
Peu de gens sont capables de vraiment apprécier l’instant présent et de vivre au jour le jour, on est sans cesse dans l’anticipation ou dans nos souvenirs. Ce n’est pas forcément mauvais, je dirais même que c’est essentiel de trouver un équilibre, mais pour les deux garçons, la balance penche trop d’un côté ou de l’autre. Pour moi, tout l’enjeu du roman repose sur cette recherche commune d’équilibre. Éridan et Loïs sont dans l’adolescence, ils doivent encore acquérir les armes et les outils qui leur permettront de faire face à leurs problèmes ainsi que de trouver une certaine paix. En quelque sorte, ils sont à la poursuite d’un bonheur qui leur semble inatteignable. Est-ce qu’ils parviendront à trouver leur manière d’y parvenir et comment ? La réponse est unique pour chacun, mais d’après moi, c’est cette quête qui les lie vraiment.
Vous semblez accorder une importance particulière aux personnages et à leur manière de voir le monde. Plus largement, dans le roman, le point de vue interne est prépondérant et nous immerge dans la subjectivité des personnages. Leur vraisemblance est frappante. À quel personnage de votre roman ressemblez-vous et lequel préférez-vous ?
J’ai essayé de mettre un peu de moi dans tous les personnages, mais Éridan est celui qui me venait le plus naturellement. J’arrivais plus facilement à me mettre dans sa peau et je pense que ça doit être celui qui me ressemble le plus.
Pour celui que je préfère, c’est plus compliqué. Je suis attachée à chacun d’entre eux et j’apprécie toutes leurs personnalités. J’ai une grande affection pour Lucile, la petite sœur de Loïs. Malgré les situations pas toujours amusantes, elle me donne envie de sourire quand j’écris sur elle. Mais si je devais choisir, je pense que ma préférence serait pour Romane. Même si c’est un personnage un peu plus secondaire, j’ai pris plaisir à développer son histoire et sa personnalité. Elle fait partie des personnages avec qui j’aurais aimé être amie.
Votre roman aborde la thématique de l’adolescence en profondeur. Aviez-vous un objectif particulier en écrivant ce roman, un message que vous vouliez faire passer ?
J’ai d’abord commencé à écrire pour moi, pour être honnête, j’avais besoin d’exprimer certaines émotions que je ne me permettais pas forcément de montrer dans la vie de tous les jours. Voir mes personnages trouver des solutions ou du positif me donnait du baume au cœur, et j’ai commencé à partager ce texte dans l’espoir que ça puisse également aider d’autres personnes. Heureusement, tout le monde n’est pas concerné par les maladies incurables ou le deuil, mais je pense que chacun a déjà eu cette impression d’être seul, incompris ou impuissant face à sa propre histoire. D’autres ont peut-être expérimenté cette sensation de trop plein qui donne envie de tout abandonner. Je voulais donner un peu de force à ceux qui s’identifieraient, même partiellement, à mes personnages. J’espère que mes mots ont pu résonner chez certains et apporter un peu de réconfort ou une pointe d’espoir.
Quelles ont été vos sources d’inspiration pour écrire ce roman ?
Je pense que je me suis beaucoup inspirée de tout ce qui m’entourait. C’est un peu étrange dit comme ça, mais ce sont des images, des scènes de la vie de tous les jours qui m’ont soufflé de nombreux passages. Les histoires qu’on me raconte, ma propre vie aussi.
J’ai également été influencée par la musique. Je ne saurais pas ressortir les titres exacts que j’écoutais quand j’écrivais Jusqu’à s’envoler, mais je sais que beaucoup d’entre eux ont contribué aux ambiances que je voulais créer.
Pour ce texte, mes lectures et les films n’ont pas été mes sources d’inspiration premières, mais si je devais citer une œuvre ça serait Your lie in April, un manga qui a été également animé. Je trouve qu’il dégage beaucoup de choses et je voulais essayer de transmettre autant aux autres à travers l’écriture.
Vous écrivez donc avec de la musique ! Au-delà de l’ambiance musicale qui vous accompagnait, quel était votre processus et vos habitudes d’écriture ?
Pour être honnête, tout dépend de mon humeur ! Je n’ai pas vraiment de routine d’écriture, ou d’habitude pour me mettre en situation. J’écris quand j’ai le temps (et la motivation) donc beaucoup dans les transports ou le soir. Au début du roman, je m’étais donné un objectif de 1500 à 2000 mots par semaine. Ce n’est pas un grand objectif, il m’arrivait souvent de le dépasser, mais cela me permettait d’avoir la petite dose de pression qui me poussait à avancer dans le projet. J’ai beaucoup travaillé accompagnée aussi, mes compagnons d’écriture de la team nuit qui se reconnaîtront ! Ça me permettait de repousser la procrastination et le fait de partager mon avancée et de suivre celle des autres est super motivant. Pour ce qui est de la réécriture, c’est loin d’être ma partie préférée, mais j’ai un million de notes sur des passages que je dois retravailler ou ajouter. Je n’ai pas vraiment de stratégie non plus, je fais en fonction de ce que j’ai envie d’écrire sur le moment.
Pouvez-vous nous partager un des extraits de votre roman que vous préférez ?
Il y a certains dialogues que j’aime beaucoup, dont un vers la fin. Je saurais pas dire si c’est vraiment mon préféré, mais c’est un des premiers qui me vient :
— On est sur terre pour une raison qui m’échappe. On souffre pour une raison qui m’échappe. Mais je veux croire que la vie, c’est pas juste attendre qu’elle se termine.
— Si je vis comme si de rien n’était, tout va se terminer brutalement, je veux pas avoir à m’arrêter à deux pas de mes rêves.
— Alors ne t’arrête pas.
— Facile à dire. Je serais quoi enfoncé dans un fauteuil et incapable de faire quoi que ce soit sans l’aide de quelqu’un ?
— Tu seras toi et ça changera rien.
— C‘est que des mots.
— C’est que des peurs.
— T’en sais rien.
Jusqu’à s’envoler
Merci pour cet extrait, que nous apprécions aussi beaucoup (il figurait d’ailleurs dans notre livret 2022 !). Est-ce que vous travaillez sur de nouveaux projets d’écriture ?
Oui ! J’ai plein d’idées dans la tête en tout cas. Je suis sur un roman de science-fiction en ce moment, je réfléchis également à une histoire policière et à une pièce de théâtre. Les trois projets n’ont absolument rien à voir entre eux, j’ai hâte de me pencher un peu plus sur chacun. En ce moment, je cours un peu après le temps donc tout est encore au stade d’ébauche et d’essai, mais j’espère que j’arriverai à m’y remettre sérieusement au plus vite !
Nous avons hâte de lire vos prochains écrits ! Pour finir, avez-vous des conseils à donner à des jeunes auteurs ?
Je me considère comme une jeune autrice avec très peu de recul et d’expérience ! Je pense que j’ai encore énormément à apprendre et très peu de conseils à donner, mais ce que j’ai retenu de mon petit chemin, c’est de ne pas abandonner. C’est dur d’avoir confiance en ses mots ou même d’en être satisfait. Au début on a souvent l’impression que ça ne ressemble pas à ce qu’on aimerait écrire, que tous les efforts ne mènent à rien, mais à force d’essayer, on finit par trouver sa propre route. C’est loin d’être un voyage tranquille. Entre le syndrome de l’imposteur ou celui de la page blanche, ça paraît insurmontable, mais la sensation de poser le dernier point d’un roman en vaut la peine et le retour de ceux qui prennent le temps de lire encore plus. Mon deuxième conseil serait de ne pas hésiter à demander de l’aide aux autres. Un autre point de vue peut parfois venir à bout d’un problème de longue date ou apporter d’autres perspectives auxquelles on n’aurait pas pensé ! Et enfin, le plus important est de prendre du plaisir à écrire. Pour moi, il n’y a pas de méthode magique, l’écriture est quelque chose qu’on fait avec le cœur. Ça ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais si ça nous plaît déjà à nous-même et que c’est sincère, c’est déjà une grande bataille gagnée.
Propos recueillis par Shad
pour l’équipe des Murmures Littéraires